Quant aux soignants, voilà une voix que j'apprécie particulièrement: la philosophe Claire Marin.
Extrait de son interview pour philosophie magasine (une mine ce mag !!) :
https://www.philomag.com/lactu/temoignages/claire-marin-lintensite-des-relations-revient-pour-le-meilleur-et-pour-le-pire"Croyez-vous à ceux qui disent que nous allons sortir renforcés de cette crise ?
Je suis sceptique. La situation de télétravail, par exemple, tellement vantée, est ingérable pour beaucoup d’entre nous. Comment fait une mère célibataire avec trois enfants pour travailler à distance ? Et comment font ceux qui travaillent dehors, qui doivent risquer leur santé pour permettre notre confort quotidien ? Quant aux soignants, ils étaient déjà épuisés avant le début de la crise. On connaissait l’état de dénuement matériel et humain de nos hôpitaux, il aurait fallu agir beaucoup plus vite. On manquait déjà de lits pour l’épidémie de bronchiolite de cet hiver. Il ne suffit pas d’applaudir à nos fenêtres. C’est maintenant, et non plus tard, qu’il faut libérer massivement de l’argent pour l’hôpital, et non 2 milliards d’euros sur 45 !
Dans quel état allons-nous en sortir, alors ?
La plupart d’entre nous sortirons de cette rupture affaiblis, amoindris, psychiquement et moralement. Certains auront été sacrifiés. Les soignants, qui sont sur la ligne de front, auront vécu des situations terribles qui n’ont rien à voir avec ce que nous vivons. On leur demande en effet de faire des choix qu’ils ne se seraient pas imaginé devoir faire un jour, notamment « prioriser » les malades. Il y a une violence extrême de cette situation, alors même qu’ils sont habitués à la mort et à l’urgence. Leur détresse est et sera énorme. Quant aux autres ? Certains vont tout perdre."