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Uvea, Futuna, Calédonie, Shanghai... Mais surtout Futuna!

MessagePosté: Sam Oct 10, 2015 16:34
par ploOm
Coucou, à la demande d'un habitué :lol: , un petit report du temps passé un peu partout.

Le programme : 5 mois à Futuna, 1 mois en Nouvelle-Calédonie, quelques jours à Wallis, et 15 jours à Shanghai en rentrant.

Futuna est une île minuscule, sans eau potable, sans téléphone portable, sans rien en fait. Coincée entre Fiji, Samoa et Tonga, au nord-est de la Nouvelle-Calédonie, elle-même au nord de la Nouvelle Zélande et à l'est de l'Australie. Pour y arriver, cela m'a pris 87 heures d'avions et d'escales. Parti le 2 octobre 2014, arrivé le 6.

A l'entrée du triangle polynésien (qui joint la NZ, Hawai'i et Rapa Nui - l'île de Pâques - ), Samoa et Tonga ont été les premières îles polynésiennes colonisées, environ 1000 ans avant JC, il y a plus de 3000 ans. Fiji n'appartient pas à la Polynésie. Wallis a été colonisée par les tongiens, Futuna par les samoans, et cela se ressent clairement dans la culture, les visages, et même les langues (car en Polynésie, c'est "une langue par île" a-t-on coutume de dire). Les tongiens ne sont jamais parvenus à coloniser Futuna, et l'île compte plusieurs anciens champs de bataille aux noms évocateurs ("le cimetière des tongiens" alias "la rivière rouge", traduit en français).

D'un point de vue linguistique, le futunien (que les wallisiens et les tongiens ne comprennent pas, mais qui est assez proche du samoan) est considéré comme la langue la plus proche du "proto-polynésien", la mieux conservée, la moins polluée par les langues indo-européennes. Aucun repère n'existe, c'est une langue fabuleusement mélodieuse et poétique, qui mérite d'être apprise.

97% des futuniens ne parlent que le futunien à la maison, le français est réservé aux conversations avec les métropolitains. Les enfants avant 5 ans ne parlent pas un mot de français (avant le CP), et les vieux non plus (après 50 ans grosso modo). 70% de la population n'a pas accès à la monnaie et ne vit que du troc et de sa pêche/agriculture.

87,5% des wallisiens et futuniens sont en surcharge pondérale, et environ 70% sont obèses. Cela n'a rien à voir avec la génétique (les pêcheurs et agriculteurs sont fins et musclés), mais avec le fait qu'ils sont généralement peu actifs et mangent 6 à 8 vrais repas par jour, principalement à base de féculents, de poulet, de porc (le puaka est ROI à Futuna) et de boissons sucrées.

Futuna est scindée en deux "royaumes", gérés par deux "rois". Je mets des guillemets car il s'agit d'une traduction française maladroite. Les "rois" ne sont en fait que des gérants mis en place par les familles "princières", les "aliki" ("nobles") pour gérer l'intendance. Ils sont éjectables à la demande. Dans chaque royaume (Sigave au nord, Alo au sud), plusieurs "ministres" (les aliki) sont les décideurs. Et dans chaque royaume, l'un deux représente l'autorité suprême et peux décider précisément ce qu'il veut, y compris de destituer le roi. A Sigave, il s'agit du Saatula, et à Alo, du Tiafo'i.


Cette petite introduction faite, place aux photos. Pas de surf, parce que pas le temps (je travaillais 140h par semaine, 70h à l'hôpital, 70h de garde à quelques mètres dans la maison de passage), pas le matos, pas les endroits pour :

- A Futuna, une houle violente (Fiji est à 200 bornes) sans barrière de corail, directement sur un platier tranchant comme du rasoir. 3500 habitants, personne ne surfe, pas de shop, pas de shaper, rien, nada, une seule planche sur l'ile, une 6 quelque chose décathlon en mousse sans ailerons...

- En Calédo, le surf peut être épique (2h d'avion de Fiji) mais il faut un bateau et 20 minutes pour rejoindre l'une des passes où ça surfe, et j'avais plein d'autres choses à découvrir :youpi:

Je vous propose donc un voyage, sans surf, au coeur d'un endroit que très peu de gens verront. Je vous copie le contenu de mon blog, qui parle de tout et de rien. Des gens, des langues, des traditions, de la culture pluri-millénaire (j'ai passé 5 mois en immersion totale à Futuna, dont j'ai appris la langue et les coutumes), bref, j'espère que vous apprécierez. Je rajouterai des photos régulièrement, si je vous mets tout d'un coup ça va piquer.

Futuna m'a changé, ou plutôt m'a révélé qui j'étais.

Re: Uvea, Futuna, Calédonie, Shanghai... Mais surtout Futuna

MessagePosté: Sam Oct 10, 2015 16:59
par Grolapin
Ça c'est cool Ploom...
J'ai suivi en filigrane ton aventure dans le Pacifique, les photos me faisaient des gliglis dans le ventre.
Comment se passe le retour en France, tu comptes repartir ?

En Guyane récemment, on a croisé un médecin qui a vécu le même genre d'immersion totale dans un autre monde, l'isolement insulaire en moins.
Il était en mission dans les villages reculés vers l'amont du fleuve Oyapock, qui forme la frontière (totalement théorique) entre le Brésil et la Guyane Française.
Je pense que son blog à lui te plairait, très prenant également mais sans la passion de la photo en cerise sur le gâteau... http://oyadoc.fr/

Re: Uvea, Futuna, Calédonie, Shanghai... Mais surtout Futuna

MessagePosté: Sam Oct 10, 2015 17:18
par ploOm
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87h de voyage (presque 4 jours…), 26h d’avion (6 avions différents) dont 21h quasiment d’une traite, le reste réparti en escales diverses (Pays-Bas, Japon, Nouvelle Calédonie, Fiji, et Wallis)… Et à l’arrivée, 11h de décalage horaire en bonus.

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Amsterdam – 2 octobre 2014
Escale éclair chez les bataves, je ne les pensais pas si petits, bruns et amateurs de sake.

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Quelque part au-dessus de la Chine – 3 octobre 2014
Altitude 11000m, vitesse au sol 950km/h, température extérieure -68°C, et un voisin kiné psychotique de 100 kilos qui pète et se croit dans son lit…

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Osaka – 3 octobre 2014
Bien entendu, j’ai essayé. Débit maximum. Musique d’ambiance à fond. Les japonais ont inventé le surfactant artificiel, le walkman et la boite de nuit « soupe de selles ».

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Osaka – 3 octobre 2014
Watashi wa nihongo o wakarimasen.

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Nouméa – 3 octobre 2014
Même à 2h du mat, le tiki veille sur les wallisiens errant dans les couloirs déserts de l'aéroport de la Tontouta (Nouvelle-Calédonie)

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Nouméa - 4 octobre 2014
Après une nuit à discuter avec un couple wallisienne/métro devant la Tontouta (20-25°C, brise fraiche) et un baroudeur, surprise au réveil : l'atterrissage de nuit m'avais dissimulé les sublimes montagnes qui jouxtent l'aéroport.

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Nouméa - 4 octobre 2014
Juste comme ça, allongé sur la moquette en papotant avec Otilia et Jean-Michel, dans l'attente de l'embarquement sur le vol Aircalin pour Fiji. Thibault est parti vers de nouvelles aventures avec sa gratte et ses bollocks, et je décolle vers les miennes… Partagé entre la fascination et l'appréhension, mais plus je papote avec Otilia, plus je me dis que je vais fondamentalement aimer les wallisiens et les futuniens.

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Bye bye Calédonie, je reviendrai! Yalaaaaa avant-avant-dernière ligne droite!

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Fiji - 4 octobre 2014
Haaaaan… Choc thermique : finie la brise tiède calédonienne, ça commence à douiller!

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L'escale la plus rapide de l'histoire. 3 minutes top chrono, very dick! Une obscure histoire d'essence pas vraiment payée par Aircalin à Fiji, je n'ai pas trop compris.

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Bye bye Fiji, ptêt à dans 4 mois pour un surf trip de 15j… Ce fut trop court.

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Au-dessus du Pacifique - 4 octobre 2014
L'archipel des îles Horn, Futuna en haut et Alofi en dessous, vu de l'avion en route pour Wallis. Je reviens dans 2 jours, dans un avion nettement plus fonki me dit-on avec un sourire en coin… Alors que le pilote annonce que Futuna est visible à notre gauche, une vieille dame annonce fièrement à sa voisine (qui semble très moyennement intéressée) qu'elle va justement prendre un poste de médecin à Futuna.

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Wallis - 4 octobre 2014
Ah ouaiiiiiiis… Quand même!

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Wallis - 4 octobre 2014
Après 2 jours de voyage, enfin à Wallis! C’est parti pour 40h d’escale, avant le dernier vol pour Futuna. Finis les réacteurs, ça se passera en bimoteur à hélice, le fameux “twin”… Sensations garanties semble-t-il. En attendant, un atoll à découvrir…

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Enfin arrivé aux antipodes. Et le trip n’est pas fini, restent 40h de glande et de visite de l’île qui est juste sublime, puis décollage pour Futuna lundi à 8h dans le twin bi-moteur qui fait rigoler les wallisiens quand on l’évoque :flip:

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Premier sunset dans le Pacifique.

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Le plus beau panorama de Wallis, et mon premier contact avec l'ubiquité du catholicisme dans l'archipel. Visite guidée par la pharmacienne de l'île qui a élevé ses trois enfants ici. Sa dernière fille vient de passer le bac dans le lycée français de Sydney, et part faire ses études à Tôkyô… Au temps pour les grands lycées parisiens, semble-t-il.

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Mata-Utu, Wallis - 5 octobre 2014

Kevin, calédonien d’ascendance wallisienne, venu pour la première fois découvrir la terre de ses ancêtres (et rechercher son amour de jeunesse), un peu perplexe.

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Jean, kanak venu de Calédonie (île de Lifou) visiter l’île. Un gars admirable, une magistrale leçon d’éducation. De longues et enrichissantes discussions sur la Calédonie et le système tribal à la clef.

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Mata-Utu, Wallis - 6 octobre 2014
Levé avec les poules vers 5h du mat pour gauler le lever du soleil avant de partir vers l'aéroport…

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Deux noix de coco, un chien et lever du soleil, what else?

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Hihifo, Wallis - 6 octobre 2014
La fin du voyage approche… L'occasion de sympathiser avec quelques futuniennes qui vont faire le voyage avec moi, vraiment adorables…

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Hihifo, Wallis - 6 octobre 2014
Sefo, aka Joseph, futunien qui bosse à Wallis, comme beaucoup, et tatoueur occasionnel.

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Le fils de Sefo, qui reste à Wallis avec papa mais rentrera bientôt à Futuna pour la semaine des communions, à mon humble avis.

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48h après l’arrivée du vol de Nouméa, le départ pour Futuna se fait dans un calme olympien, au milieu des restes de retrouvailles émouvantes. 

L’assemblée de fillettes aux tenues colorées chantant leur bonheur de retrouver leurs grands frères étudiants en Calédonie semble bien loin.

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Le fameux “twin”, un bimoteur plus vieux que moi, décolle pour Futuna. Je m’attendais à pire. C’est minuscule mais plutôt en bon état de prime abord, l’ambiance à bord est énorme (au sens figuré comme littéral), on place les passagers pour répartir le poids au décollage, tout le monde se marre, les bébés pleurent, les grands se bouchent les oreilles, j’adore… Et puis je pars du principe que le pilote tient autant à sa vie que moi à la mienne. Par contre si j’en vois un arriver en larmes, et qu’il arrache son alliance pour la jeter sur le tarmac en gueulant “salooooope pourquoi t’as fait ça pourquoiiiii oiiiiii oiiiiii…”, j’attends le prochain avion.

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Au-dessus du lagon, Wallis - 6 octobre 2014
Je suis aux premières loges. Je contrôle le seul canot. J'ai droit de vie et de mort sur tout le monde. Un sentiment de toute puissance m'envahit. Je réalise que la seule porte laissant passer le canot se trouve à la queue de l'appareil, derrière les 14 autres passagers. Je vais devoir faire alliance jusqu'à la réunification :kohlanta:

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Nofola, Uvea! (oui j'ai appris quelques mots de Wallisien, le fakauvea, en 24h)

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Alofi, archipel des îles Horn - 6 octobre 2014
1h d'un vol un peu mouvementé et 250km plus tard, le sublime lagon d'Alofi nous accueille : “petite” île inhabitée à moins de 2 km de Futuna, où les futuniens viennent pêcher, cultiver leurs champs et profiter de plages de sable fin parait-il sublimes.

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Vele, Futuna - 6 octobre 2014
Aircalin vous remercie de votre confiance. Vous touchez enfin au but, et l'accueil sera chaleureux.

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Improbable! (48h avant que l'un des moteurs ne tombe en rade, soit dit en passant)

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Et derrière, juste en face de Vele, Alofi.

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30°C et 85% d'humidité, Véronique la directrice de l'hôpital de Kaleveleve m'attend. Près de 20 000 km et 4 jours de voyage, la véritable aventure commence.

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Royaume de Sigave, Futuna - 6 août 2014
Un peu fatigué mais le décalage horaire était torché à Nouméa. La barbe pousse, plein de gens géniaux rencontrés avant même d'arriver (“tiens, le nom de mon cousin à Futuna, dis-lui que tu me connais”, “ah c'est mon neveu qui fait la douane, cool”, etc…)… Hormis la discrète inquiétude concernant vous savez quoi (les araignées), pour l'instant tout est parfait… Et ici les pavés sur la plage sont en vérité des morceaux de corail mort. Le tout à 10 mètres devant l'hôtel.

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Tout premier coucher de soleil (vers 17h30 max), pris depuis l'un des fale (les petites maisons traditionnelles ouvertes aux quatre vents, couvertes d'un toit profond en feuilles séchées…) qui jouxtent l'hôtel et en constituent la terrasse intégralement couverte, face à l'océan… Plein ouest bien entendu. Que demande le peuple? (moins de moustiques, ok)

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Enfin arrivé croyé-je… Je ne soupçonnais pas que je reprendrais l'avion dés le lendemain pour Wallis.

Voilà pour le voyage, la suite bientôt, si ça vous plait (parce que ça prend du temps!) ;)

Re: Uvea, Futuna, Calédonie, Shanghai... Mais surtout Futuna

MessagePosté: Sam Oct 10, 2015 17:19
par ploOm
Grolapin a écrit:Ça c'est cool Ploom...
J'ai suivi en filigrane ton aventure dans le Pacifique, les photos me faisaient des gliglis dans le ventre.
Comment se passe le retour en France, tu comptes repartir ?

oh que oui, je devais déménager à Nouméa en juillet, mais j'ai trouvé l'amour (avec une fille autour) à Nantes, donc là on part 2 mois en Calédo en décembre janvier normalement, et si ça lui plait, on déménage en 2016 :youpi:

Re: Uvea, Futuna, Calédonie, Shanghai... Mais surtout Futuna

MessagePosté: Sam Oct 10, 2015 18:02
par nicodisco
Ploom?

Qui sait?






:lol:


Is not dead!

Re: Uvea, Futuna, Calédonie, Shanghai... Mais surtout Futuna

MessagePosté: Sam Oct 10, 2015 19:00
par zitoune
Merci ploom de documenter tout ca, c'est du taf
Mais entre tes textes et les photos sublimes, c'est hyper plaisant à lire :yess:

Re: Uvea, Futuna, Calédonie, Shanghai... Mais surtout Futuna

MessagePosté: Sam Oct 10, 2015 19:50
par Grolapin
ploOm a écrit:Voilà pour le voyage, la suite bientôt, si ça vous plait (parce que ça prend du temps!) ;)

Si jamais ça plait pas ici parce que ça manque un peu de vagues tu peux toujours basculer sur un forum de baroudeurs où ce genre de récit trouvera à coup sûr un écho à sa juste valeur :D
Cool pour la Nouvelle-Calédo, je brule les étapes de ton parcours mais t'en as pensé quoi de cette île, en dehors de ses paysages fabuleux ? Je pense au clivage métros-caldoches-Kanaks... ça te freine pas, surtout à Nouméa ?

Bon sinon j'adore, mais quand même c'est pas un peu dégueulasse de garder le même tee-shirt 5 jours de suite ?
Le tatouage c'est de Futuna ? Avec la peau incisée par une dent de requin :|

Re: Uvea, Futuna, Calédonie, Shanghai... Mais surtout Futuna

MessagePosté: Sam Oct 10, 2015 20:27
par ploOm
Bon, si ça vous plait, je continue. Le premier jour, 7h du mat, prise de poste. 7h20, départ pour l'aéroport avec le fils de l'un des plus importants chefs de l'île (l'un des Aliki), dans un état proche du Kentucky (comprendre, entre la vie et la mort). De tête ça faisait donc 8 avions en 6 jours, tranquilou bilou.

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Mata-Utu, Wallis - 7 octobre 2014
Retour chez Loka, ma maman polynésienne, 24h après lui avoir dit au revoir. Retrouvailles avec Jean et Kevin, et papotage avec des profs de Nouméa venus pour un salon de l'étudiant local. Et un ciel de nuit sublime en prime. Life is sooooo good (again).

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Mata-Utu, Wallis - 8 octobre 2014
Je dis au revoir à Loka pour la deuxième fois en 24h, normalement pour plusieurs mois, sous réserve d'évacuations sanitaires suprises…

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Futuna - 9 octobre 2014
De retour à Futuna, je prends mes marques, je fais des rencontres. Au sortir de l'hôpital, d'étranges crustacés errent, voûtés, sur le platier en poussant d'étranges petits cris.

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Futuna - 11 octobre 2014
Difficile de ne pas s'arrêter sur le bord de la route chaque fois que je rentre du boulot… Ici une minuscule houlette de quelques centimètres révèle le potentiel du coin, avec les conditions qui vont bien. Mais je suis sur la côte ouest, orientée SW. Il semble que pour la houle, ça se passe de l'autre côté. Manque de pot, l'ouragan Evan a démoli en 2010 je crois la route (la seule et unique) qui fait le tour de l'île. Aujourd'hui, pour se rendre de l'autre côté, pas d'autre choix que de faire le tour par le sud et Vele :notepourplustard:

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Alors que je prends mes photos, le bruit d'une Vespa, des freins, un sifflet strident… Je suis dans la mouise, je n'ai pas mes papiers.

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Les cicatrices du cocotier à ma droite laissent augurer d'un mode de résolution des conflits qui n'est pas pour me rassurer, je le concède.

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Un peu de diplomatie plus tard, il semble qu'en guise de PV, je m'en sorte avec du poisson cru pêché à 300m de fond, avec une sauce au citron. CIRCULEEEEEEEEEEZ!!! En même temps il n'y a pas de police à Futuna. Il n'y a que la gendarmerie, et il s'agit là en fait d'Aloisio, un futunien Aliki policier de son état (à Toulouse, pendant 12 ans) qui deviendra mon meilleur ami sur place.

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Pas de commentaires détaillés sur cette photo. Je l'ai faite en pleine nuit en revenant de l'une des expériences qui m'a le plus marqué (genre, de toute ma vie hein) : j'ai été appelé pour constater le décès d'une futunienne âgée. En arrivant, j'ai trouvé une maison remplie d'environ 70 membres de la famille (ici, tout le monde "est famille"), chantant des chants traditionnels et des chants catholiques, autour du corps recouvert de robes brodées et de centaines de fleurs et de colliers. L'émotion était impossible à saisir, et est impossible à décrire.

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Hôpital de Kaleveleve, Futuna - 12 octobre 2014
Pour ceux que cela intéresse, la mort est tout aussi coûteuse de l'autre côté de la planète : 900-950 francs pacifique le paquet, soit environ 7.5€

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Royaume de Sigave, Futuna - 15 octobre 2014

Les choses sérieuses commencent.

“Le kava, kawa, kava-kava ou kawa-kawa, est une plante originaire du Pacifique occidental. Il est connu sous les noms de ‘awa à Hawaii, de 'ava aux Samoa et de yaqona aux Fidji. Apparenté au poivre, ce que confirme son goût, son nom scientifique est Piper methysticum. Le kava est utilisé depuis des temps immémoriaux dans la vie religieuse, culturelle et politique de l'ensemble du Pacifique. Le kava, connu depuis au moins 2 000 ans par les îliens, est en fait la racine d'un cultivar du poivrier sauvage (Piper methysticum, pipéracées) qui ne pousse qu'au Vanuatu, à Wallis et Futuna, et dans quelques îles avoisinantes.

Sur place, sa consommation, vieille de plusieurs siècles, est ritualisée et régie par la coutume. Le partager est un signe d'amitié, d'ailleurs un proverbe dit : « On ne peut tuer tout de suite quelqu'un avec qui on vient de boire le kava ». Des paquets traditionnels de racines de kava sont présentés dans diverses cérémonies (de bienvenue, de funérailles, de réconciliation…).

Dans sa forme traditionnelle, le kava est préparé à partir du rhizome qui est mâché puis recraché sur une feuille de bananier. Laissé quelques heures au soleil, la pâte obtenue est ensuite filtrée avec un peu d'eau et consommée dans la coque d'une moitié de noix de coco évidée. Dans les tribus, l'usage du kava est sacré, et interdit aux femmes.

Le rhizome du kava possède des propriétés anesthésiantes, myorelaxantes, stimulantes et euphorisantes ; un effet anti-dépresseur a été mis en évidence récemment. Le kava est aussi un diurétique. Il est hypnotique à fortes doses.

En 2004, le Larousse des drogues et des dépendances déclare que l'usage de kava quelle que soit sa préparation (mâchée, pilée ou réduite industriellement en poudre) peut également amener à long terme des troubles de la vision et une incoordination motrice, pouvant aller jusqu'à un syndrome parkinsonien. Cependant cette déclaration est contraire à plusieurs études sur le sujet, qui établissent formellement une différence entre le kava traditionnellement préparé et les extraits industriels. D'autre part, la population de Vanuatu, grande consommatrice de kava dans des proportions bien supérieures aux doses consommées dans les pays importateurs, ne montre pas ces traits dans le bilan de santé du pays. Il n'y a aucune évidence de taux anormalement élevés de quelconques maladies du foie à Vanuatu et dans les autres pays traditionnellement consommateurs de kava, par rapport aux autres pays du monde. L’association canadienne des aliments de santé cite environ 100 études et rapports, tous indiquant que le kava est sans risque pour la grande majorité des gens. Par ailleurs il n'entraîne en principe ni dépendance, ni accoutumance.”

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Lors d'un tauasu (la réunion des hommes dans le fale, pour boire le kava et discuter), si un chef ou une personnalité est présente, certaines règles sont incontournables : interdiction de traverser l'espace central pour pénétrer dans l'enceinte, on s'assied là où on nous l'indique, on ne parle pas quand l'un des chefs s'exprime (généralement pour saluer la présence de certains invités de marque) et on se lève ensuite pour saluer les personnes importantes, dans un ordre bien précis. Personnellement, je regarde dans quel ordre est servi le kava, et je suis scrupuleusement le même ordre pour saluer ensuite, quitte à mettre un énorme vent à de vieux messieurs. C'est la dure loi de la hiérarchie.

Difficile de ne pas être impressionné quand on est présenté à ce type de personnage.

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Pour mon tout premier tauasu, et mon tout premier kava, l'accueil est chaleureux. Cet homme, qui a de la famille ici, vient à Futuna pour la toute première fois. Les “transfuges” sont généralement repérables à leur tui tiale, leur collier de fleurs.

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Cet homme n'avait pas vu son fils depuis des années. Ce dernier a fait ses études, puis sa vie, en Calédonie, comme la plupart des futuniens qui choisissent de mener des études et une vie plus “occidentale”.

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Pendant que les hommes palabrent au tauasu (ce qui se dit d'ailleurs “palalau” ici à Sigave, le royaume du nord. Pour la petite histoire, il s'agit d'un terme emprunté au wallisien pour remplacer le “masau” futunien), les femmes préparent d'une main experte le poisson à quelques mètres.

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Pure beauté. Charisme proprement phénoménal. ZE grand-mère.

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Royaume de Sigave, Futuna - 16 octobre 2014

Le concept de la coutume prend tout son sens quand on découvre la générosité de nos hôtes. Je ne peux manger qu’un vingtième au plus (ce n’est PAS une image) de ce que l’on m’offre.

De superbes paniers tressés sont remplis à rabord de victuailles (dont des pièces de cochons tués pour l’occasion il y a quelques heures, et découpés sous nos yeux il y a 3 minutes - grand moment d’inquiétude au passage, quand je vois les machettes frôler les mains et les pieds nus… Je ne suis pas de garde mais quand même - ), et nous sommes fermement invités à les emporter avec nous.

Avant de prendre congé, nous nous mettrons d’accord avec le ministre présent au taouasu pour partager nos paniers avec les malades de l’hôpital.

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Quand je pense que je devais n’arriver que début novembre. Par un hasard incroyable, je suis finalement arrivé la semaine dernière, soit précisément une semaine avant la semaine des communions.

Tout le monde m’en parle depuis Nouméa. Et pour cause, il s’agit de la semaine la plus importante de l’année, et de loin. Les familles arrivent de Wallis, de Calédonie, et même de métropole (ce qui quand on connait le temps de trajet et le prix du billet, force l’admiration).

Aujourd’hui, les enfants sont rois. Les femmes des différentes familles accordent une attention minutieuse au moindre détail de tenues colorées et incroyablement élaborées. Les cousins habituellement séparés par des milliers de kilomètres se retrouvent ou se rencontrent, les jeunes depuis longtemps exilés retrouvent (et parfois découvrent) les traditions de leurs ancêtres.

Quelle chance, et surtout quel honneur d’être convié pour assister à tout ceci.

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Chacun de ces colliers coûte la bagatelle de plusieurs dizaines de milliers de francs pacifique, soit plusieurs centaines d'euros. L'investissement des familles, aussi bien matériel qu'émotionnel, est massif.

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Le stress monte un peu, les gamins sont parfois impressionnés de voir l'intégralité des membres de leur famille, dont des inconnus venus des quatre coins de la planète, s'affairer autour d'eux depuis plusieurs jours.

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Après, ils restent des enfants, et mon futunien balbutiant suffit visiblement à les faire déstresser un instant ^_^

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J'ignore si le Vatican se doute de la beauté et de l'originalité que ces personnes insufflent, à l'autre bout du monde, aux rites qui sont chez nous usés jusqu'à l'os.

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Pendant ce temps, les chefs et la famille sont réunis autour des victuailles, le kava est prêt, l'ambiance est solennelle. Nous n'attendons plus que les petits, qui font une entrée chorégraphiée. Les photos ne sont je pense pas de mise, toujours est-il que je n'oserai pas.

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Là, ils n'en mènent plus large. Le ministre commence à parler, tout le monde écoute dans un silence de cathédrale.

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Il faut dire que le préposé au kava n'a pas l'air des plus commodes (c'est pour le style, en vérité il a la banane jusqu'aux oreilles le reste du temps).

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Certains semblent plus rassurés que d'autres, tout de même.

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Le kava de cérémonie est dans les tuyaux, ça chauffe. Je suis excité comme Eric Zemmour un soir de législatives partielles dans le Var à l'idée de partager ces moments rares…

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Grand jour pour les petits futuniens : le kava, normalement réservé aux adultes (et aux hommes mariés plus précisément), leur est offert, avec les honneurs. Leur nom est cité, ils frappent dans leurs mains trois fois, et peuvent boire la boisson traditionnelle, assis aux côtés des chefs.

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Évènement rare, même les petites filles y ont droit. Le regard de la petite voisine se passe de commentaires.

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Le cochon. LE COCHON. L'alpha et l'omega. Le cochon. Source de toutes choses. Le cochon. Copain. Dis pas d'mal du cochon. Ne demande jamais à un futunien de choisir entre le cochon et toi.

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Même les grands costauds tatoués sont en fait des types formidables. KAVAAAAAaaaaa!!!

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N’ayant pas encore compris comment refuser le kava (qui est servi toutes les 5 minutes, pour info) sans commettre d’impair dans le tauasu, je m’évade régulièrement dans les quartiers des femmes et des enfants, ce qui fait, soyons francs, bien marrer tout ce petit monde ^_^

E se kau inu o kava, c’est trop direct, je dois observer et élaborer une stratégie plus diplomatique.

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Ce qui, soyons honnête, est un habile prétexte pour enrichir ma collection de portraits.

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Les boissons sucrées ne sont pas étrangères - c'est le moins que l'on puisse dire - à la prévalence dramatique du diabète de type 2 en Polynésie.

E fia inu suka… (“elle aime boire du sucre” oui bon mon futunien n'est pas bien élaboré, ça ne fait que 15 jours)

Instant linguistique

“Suka”, futunianisation du “sugar” américain, comme tant d'autres mots : “toketā” pour “doctor”, “fulu” pour “full”, etc… Le futunien ne connait pas les doubles consonnes et les consonnes finales, il ajoute donc une voyelle pour scinder tout ceci… Comme en japonais! La similitude est frappante, je suis persuadé qu'il existe une parenté, ou tout du moins une influence passée. Certains patronymes locaux, et surtout certains visages, confortent cette intuition.

À creuser!

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À la fin du repas, des paniers tressés sont déposés devant chaque invité. Ils regorgent de victuailles et tiennent à peine debout, et chacun est invité à les emporter avec lui en partant. Tandis que chacun se demande comment il va faire tenir cela dans le coffre de la voiture (pour les rares qui en possèdent une), un homme armé d'une machette de 60cm de long vient y déposer sans ménagement un morceau de cochon fraichement découpé.

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Rapide aller-retour à l'hôpital pour partager nos paniers avec les soignants et les patients. L'occasion de croiser notre Malia nationale, arborant fièrement le maquillage le plus cher de l'île, garanti 100% curcumin (et oui, j'ignorais jusqu'à l'existence de ce truc, bien entendu).

E fulumalie, e kau alofa ia!

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Retour à Sigave pour le Tauasu en présence du Saatula, l'homme le plus puissant du royaume de Sigave. L'ambiance est solennelle. Je ne le sais pas encore, mais je suis sur le point d'assister à mes premières danses traditionnelles.

Re: Uvea, Futuna, Calédonie, Shanghai... Mais surtout Futuna

MessagePosté: Sam Oct 10, 2015 20:36
par Jean-Christophe
Moi je suis fan inconditionnel de Ploom !! J'adore, les photos, le récit, ça fait très plaisir de te revoir par ici... qui plus est révélé à toi même et ayant trouvé l'amour. C'est pas rien ça !

Continue parce que même s'il n'y a pas de surf, on n'a pas tous les jours la chance de voir quoi que ce soit sur cet endroit du monde.

Re: Uvea, Futuna, Calédonie, Shanghai... Mais surtout Futuna

MessagePosté: Sam Oct 10, 2015 20:38
par pelou
Ouais les anecdotes d'avion sont bien sympas à lire.
Tes photos sont aussi incroyables que le fait que des gens te confient leur santé!
On a mis un pied derrière la porte, t'es obligé de continuer le report!

Re: Uvea, Futuna, Calédonie, Shanghai... Mais surtout Futuna

MessagePosté: Sam Oct 10, 2015 20:42
par kyu
Merci beaucoup ploom de partager ton aventure avec nous . Et sois rassuré, même sans surf , je suis sur que ton récit trouvera ici l'accueil qu'il mérite :yess:

Re: Uvea, Futuna, Calédonie, Shanghai... Mais surtout Futuna

MessagePosté: Sam Oct 10, 2015 20:53
par ploOm
Grolapin a écrit:
ploOm a écrit:Voilà pour le voyage, la suite bientôt, si ça vous plait (parce que ça prend du temps!) ;)

Si jamais ça plait pas ici parce que ça manque un peu de vagues tu peux toujours basculer sur un forum de baroudeurs où ce genre de récit trouvera à coup sûr un écho à sa juste valeur :D
Cool pour la Nouvelle-Calédo, je brule les étapes de ton parcours mais t'en as pensé quoi de cette île, en dehors de ses paysages fabuleux ? Je pense au clivage métros-caldoches-Kanaks... ça te freine pas, surtout à Nouméa ?

Bon sinon j'adore, mais quand même c'est pas un peu dégueulasse de garder le même tee-shirt 5 jours de suite ?
Le tatouage c'est de Futuna ? Avec la peau incisée par une dent de requin :|

Ouip, tatouage fait là bas, mais pas à l'ancienne, ça ne se fait plus depuis des lustres (sauf à Samoa, je crois que 4 tuifonga pratiquent encore le pe'a de façon traditionnelle) : matos moderne bien qu'archaïque importé de Nouvelle-Zélande, tatoueur amateur, sur la terrasse de ma maison, avec de l'eau non potable pour rincer (donc infection, logiquement!)

La question du mix en Calédo est en effet complexe... Kanak qui sont chez eux et essaient de perpétuer leur culture plurimillénaire, Caldoches descendants des bagnards et des commerçants installés il y a bien longtemps, polynésiens (wallisiens surtout, futuniens également, quelques tahitiens) extrêmement nombreux, métropolitains venus chercher fortune et cocotiers... Tout cela se concentre à Nouméa, dite "Nouméa la blanche", parce qu'en brousse, on est en kanakie ;)

Est-ce que ça me dérange? Oui, bien entendu. Mais non, parce que j'ai tendance à bien m'imprégner de la culture locale. J'apprends les langues, je m'intéresse aux traditions, je les respecte. Et généralement cela se passe très bien. Les kanaks sont ceux qui m'intéressent, et je vais commencer à apprendre le drehu dès cet hiver. Si les tensions sont trop fortes entre communautés, je repartirai ^_^ De toutes façons ils pourraient bien prendre leur indépendance dans peu de temps...

E se ke mamae, comme on dit à Futuna, pas de prise de tête ("te fais pas de mal!")

Pour le forum de baroudeurs, c'est gentil mais je n'ai pas plus envie que cela de partager tout ça, je le fais ici parce que je connais certains d'entre vous et que l'on me l'a demandé explicitement ;)

Et merci Jean-Christophe! Oui, ma vie a changé en 2015. Il y a 18 mois je pensais avoir un cancer, j'étais lourdement endetté, et célibataire. Aujourd'hui tout a changé, il ne faut jamais lâcher l'affaire! Et c'est en partie pour cela que mon tatau a beaucoup, beaucoup de sens pour moi.

Merci Kyu et Pelou!

Re: Uvea, Futuna, Calédonie, Shanghai... Mais surtout Futuna

MessagePosté: Dim Oct 11, 2015 04:13
par marsunet
Merci Ploom pour ce partage et le temps que tu y consacre.
Je suis convaincu que ce report trouvera tout le respect et les honneurs qui lui sont dû.
Je me retrouve dans ta façon de voir la vie. L'imminence d'une fin inéluctables, une maladie lourde ou handicapant, la disparition d'un être cher après sa remission... et j'en passe, nous oblige à revoir l'idée que l'on se fait de la vie.
Je suivrais avec grand intérêt ton report :yess:

Re: Uvea, Futuna, Calédonie, Shanghai... Mais surtout Futuna

MessagePosté: Dim Oct 11, 2015 08:56
par zitoune
Superbes tranches de vie que tu racontes !
Comment tu t'es retrouvé la bas ? Tu as répondu à une annonce ? Tu es parti via une ong?

Re: Uvea, Futuna, Calédonie, Shanghai... Mais surtout Futuna

MessagePosté: Dim Oct 11, 2015 14:46
par matthioux
Tout simplement magnifique. Merci.